Cultura: Fini les bad boys, le rock se met au vert

Radiohead, le célèbre groupe rock britannique, est "écolo". Il le dit, il en joue et ça se voit. Sa tournée mondiale qui, après l'Europe, passe par les Etats-Unis en août, est placée sous le signe de la sauvegarde de la planète. Cette tournée monstre, a priori polluante à souhait, est pour le quatuor d'Oxford la meilleure occasion de prouver ses bonnes intentions. La défense des valeurs écologiques passe par des actions concrètes : la consommation d'énergie, le matériel, les décibels, les plastiques, etc.

Champion de l'innovation sur Internet, Radiohead a beaucoup fait parler de lui lors de sa venue en France. Sous couvert de "sensibiliser les médias à la réduction des émissions de gaz à effet de serre", les invitations destinées à la presse pour les concerts parisiens au Palais omnisports de Bercy les 9 et 10 juin ont été attribuées aux cinquante premiers journalistes qui se présentaient à bicyclette, jeudi 5 juin à midi, devant leur maison de disques, Beggars, rue Condorcet, à Paris.

Cette opération de communication n'était que la partie visible de l'iceberg. Le groupe de Thom Yorke est allé plus loin. Il a commandé à l'agence britannique Best Foot Forward une étude visant à calculer l'empreinte écologique de sa tournée. Au vu des résultats, ces pollueurs patentés ont adopté des mesures drastiques. Les centaines d'ampoules classiques nécessaires aux lumières des concerts ont été remplacées par des diodes à basse consommation. Les bus hybrides ont été préférés aux camions à essence et, pour éviter que les fans viennent en voiture, le groupe se produit dans des centres-villes plutôt que dans des endroits non accessibles en transports en commun. Dans sa démarche, Radiohead s'est rapproché de l'association Les Amis de la Terre, dont il appuie la campagne The Big Ask, censée amener les gouvernements européens à voter et à faire respecter une loi fixant avec précision des taux annuels de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Radiohead n'est pas seul à mener ce combat. L'Américain Jack Johnson, ancien surfeur né à Hawaï, s'est reconverti dans la musique. Il a vendu plus de 1 million d'exemplaires de son album Brushfire Fairytales en 2000. Proche du guitariste Ben Harper, un défenseur actif des séquoias de la forêt californienne, il a monté un studio fonctionnant à l'énergie solaire dans le bâtiment qui abrite son label, Brushfire Records, entièrement conçu selon des normes écologiques les plus avancées. Père d'une fondation qui protège l'environnement, Jack Johnson est évidemment adhérent au "1 % pour la planète", un organisme qui redistribue une petite partie des recettes aux associations de protection de l'environnement.

Comme Radiohead, le chanteur hawaïen incite ses fans à ne se rendre aux concerts qu'en covoiturage, et met à leur disposition des poubelles de tri sélectif et des points d'eau pour éviter d'acheter des bouteilles en plastique écologiquement non correctes. Les plus généreux d'entre eux sont mêmes priés de payer leur billet quelques cents plus cher afin de contribuer à des projets consacrés aux énergies renouvelables et à la lutte contre la déforestation.

Greenpeace est aujourd'hui lié au groupe français Tryo, des amateurs de reggae et d'herbes naturelles, auteurs du tube L'Hymne de nos campagnes ("C'est l'hymne de nos campagnes/De nos rivières, de nos montagnes/De la vie man, du monde animal/Crie-le bien fort, use tes cordes vocales !"). Tryo franchit un nouveau cap avec son prochain album, Ce que l'on sème, dont la sortie est prévue le 1er septembre : du concert au CD, tout est pensé pour être écolo-compatible.

Un bulletin d'adhésion à Greenpeace sera déposé dans la pochette, faite de papier certifié par le Conseil de soutien de la forêt (Forest Stewardship Council, FSC), un écolabel qui garantit un mode de gestion durable des forêts exploitées. Pendant la tournée qui suivra, les concerts seront de véritables vitrines vertes : transports non polluants, parcs à vélos, ampoules basse consommation. Le merchandising est fabriqué à partir de produits recyclés, les tee-shirts sont en coton bio.

C'est bien le moins : Tryo présente son engagement comme "naturel". Leurs chansons le prouvent ("Je tombe, ça fait mal/Tu creuses ma tombe, c'est du banal/Un stade par seconde en moyenne dans le monde/La déforestation n'intéresse pas l'opinion !"), chante Cyril Célestin, alias Guizmo. Dans la vie, les Tryo ne sont pas des enragés de l'écologie : "Protection de l'environnement ne signifie pas retour à la bougie", plaide Daniel Bravo, le percussionniste, qui refuse de protéger la nature au détriment de l'humain. Guizmo, le plus engagé, est en train de faire construire une ferme aux normes écologiques, tandis que Daniel Bravo installe avec ses copropriétaires des panneaux solaires sur le toit de sa maison.

La démarche de Tryo se veut davantage affective que militante : "Cela nous touche, et donc on a envie d'en faire un morceau, mais au même titre que d'autres sujets. L'album est un équilibre, comme la vie", explique Daniel Bravo. La rencontre avec Pascal Husting, le directeur de Greenpeace France, est importante. Ce dernier qualifie son projet avec Tryo d'"amitié" et non de partenariat. Pour le groupe, chanter et s'engager ne marchent pas forcément ensemble. "Même si l'album ne comportait que des chansons d'amour, nous nous serions tout de même rapprochés de Greenpeace."Autre vedette planétaire, la chanteuse islandaise Björk a fait alliance avec le mensuel américain National Geographic, et a donné le 28 juin à Reykjavik, avec ses compatriotes de Sigur Ros, le concert Nattura. Un événement gratuit, dans le jardin botanique du centre-ville, et destiné à sensibiliser le public à la destruction du paysage islandais. La chanteuse dénonçait notamment les projets de construction d'un barrage par la fonderie d'aluminium américaine Alcoa. Le sujet est une cause familiale. La mère de Björk avait même fait une grève de la faim de trois semaines, en 2004, pour protester contre cet investissement qui, selon le gouvernement islandais, devait "redonner vie" à l'est de l'Islande.

Outre le concert - éclairé comme il se doit uniquement à la lumière du jour -, un livre était le héros de la soirée : Dreamland : a Self Help Manual to a Frightened Nation (Le Pays des rêves : Guide de survie pour une nation effrayée), un best-seller écrit par Andri Snær Magnason, parfois présenté comme le "Naomi Klein islandais".


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