Cultura: L'Etat crée un centre d'art dans les 9 000 m2 vides du Palais de Tokyo

Dans la nouvelle géographie du Grand Paris, qu'il a dessinée dans son discours du mercredi 29 avril, Nicolas Sarkozy a annoncé "au centre", à côté de sites prestigieux comme le Louvre, Orsay ou la Bibliothèque nationale de France, la création d'un lieu "autonome" dédié à l'art actuel, qui sera installé au Palais de Tokyo, sur la colline du Trocadéro.
Or, un centre d'art contemporain existe déjà depuis 2002 au Palais de Tokyo. C'est même le premier de France en nombre de visiteurs. Mais, dans ses sous-sols, 9 000 m2 sont à l'abandon. Ce bel espace était convoité par le Centre Pompidou.

Alain Seban, président de Beaubourg, expliquait dans Le Monde, en octobre 2007, ce qu'il comptait faire de ces 9000 m2 : "Présenter en priorité des artistes français qui sont en milieu de carrière et n'ont pas ou peu de visibilité." Il avait même imaginé un nom : Centre Pompidou-Alma. Et il avait précisé, pour que ce soit clair : "Ce sera une antenne du Centre, et non un lieu autonome."

Mais dans la foulée, et preuve que ce n'était pas si clair, la ministre de la culture, Christine Albanel, confiait un rapport à Olivier Kaeppelin, le responsable des arts plastiques au ministère, sur le Palais de Tokyo. "Nous verrons si c'est une bonne idée que cette structure soit associée au Centre Pompidou."

Non, répond Nicolas Sarkozy, le 29 avril, qui offre son autonomie au bâtiment entier. Le centre d'art actuel, au niveau de la rue, dirigé par le Suisse Marc-Olivier Wahler, continuera son bout de chemin. En sous-sol, dit-on à l'Elysée, l'idée de présenter des artistes français ou vivant en France - "On ne leur demandera pas leur passeport" - reste d'actualité.

Mais l'Etat veut aller plus loin. Il veut regrouper les deux entités du palais, "le haut et le bas", en un seul établissement, dont "la forme juridique n'est pas arrêtée", explique Dominique Antoine, conseiller culturel de l'Elysée. Alain Seban, qui voit Beaubourg écarté, n'a pas souhaité réagir.

Le directeur de chacun des deux espaces sera libre de concocter son programme, "mais il faudra une personnalité pour coordonner l'ensemble", dit-on à l'Elysée. Olivier Kaeppelin ? "C'est une piste, il sait fédérer, mais il appartient à Mme Albanel de finaliser les choses", dit-on à l'Elysée. Le ministère de la culture, justement, annonce une communication au conseil des ministres sur le Palais de Tokyo, en principe pour le mercredi 13 mai.

LE SOUHAIT DE MARIN KARMITZ

Pour diriger le centre d'art "du bas", une personne travaille sur la question depuis quelques mois. Il s'agit de Catherine Grenier, qui travaille au... Centre Pompidou. Elle a conçu un projet, et elle comptait ouvrir partiellement ce nouvel espace en 2012 pour le compte de Beaubourg. "Si elle est nommée, il est clair qu'elle devra quitter le Centre Pompidou", dit-on à l'Elysée.

Une annonce, faite le 7 mai au Palais de Tokyo, devrait donner encore plus de relief à ce projet présidentiel : créer une "colline des arts" autour du Trocadéro. Elle associera quatre lieux géographiquement proches : le Palais de Tokyo, le Musée d'art moderne de la Ville de Paris (en face du Palais), la Cité de l'architecture et du patrimoine (Palais du Trocadéro) et le Musée du quai Branly (en face de la colline, et dédié aux arts premiers).

La "colline des arts" consiste pour l'instant en une simple convention tarifaire, pour un an, visant à attirer les touristes : le visiteur qui achète un billet dans un des quatre lieux peut, dans les cinq jours, en visiter deux autres à moitié prix, et le quatrième gratuitement. Mais l'Elysée aimerait aller plus loin et imaginer "une synergie artistique pour faire vivre cette colline des arts".

"Il y a des partenariats à développer", confirme Fabrice Hergott, directeur du Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Il ajoute que Marin Karmitz est venu lui parler de ce projet. Le producteur de cinéma pilote depuis février un Conseil pour la création artistique, installé par M. Sarkozy, dans le but de faire bouger le paysage culturel. L'Elysée et M. Karmitz aimeraient que le Palais de Tokyo, avec ses espaces vides, serve à fédérer et à animer cette "colline des arts", qu'il en soit "le coeur".

Philippe Dagen et Michel Guerrin

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