Arte: Les contrefaçons artistiques à l'honneur en Angleterre

La National Gallery prépare pour 2010 une exposition sur les œuvres contrefaites ou mal attribuées.
De notre correspondante à Londres Rose Claverie

Même les plus grands experts d'histoire de l'art se font duper. En 1923, la National Gallery a mis la main sur une toile semblant dater de la Renaissance italienne. Un portrait du duc d'Urbino avec ses enfants, peint par un anonyme. Plusieurs indices ont ensuite alerté les spécialistes et notamment le parfait profil du duc. Sur les autres portraits de l'époque, son nez comporte un creux très marqué, à la suite d'une blessure de guerre. Mais preuve irréfutable que c'est un faux ? Les pigments retrouvés sur la toile n'existaient même pas au XVe siècle. La toile date en réalité du XXe siècle et fut immédiatement après la découverte reléguée au sous-sol du musée. Ces œuvres honteuses refont surface et seront même l'objet d'une exposition dans un an à la National Gallery de Londres, intitulée Examen rapproché : faux, erreurs et découvertes. On y découvrira des contrefaçons, comme ce Renaissance des temps modernes, ou un «chef-d'œuvre » signé Rembrandt, intitulé Un vieil homme dans un fauteuil et acquis par le musée en 1957. Les experts ont déclaré que le traitement de la barbe, de la fourrure et de la main droite était trop grossier pour avoir été attribué au grand maître néerlandais du XVIIe siècle. On pense tout de même que l'œuvre a été peinte par un élève de Rembrandt, puisque certains éléments de la toile ne peuvent venir que de l'atelier du Maître.

Mais on ne trouvera pas que des contrefaçons dans le musée de Trafalgar Square. La plupart des toiles ont été simplement mal attribuées ou mal datées, parfois avec l'aide d'un marchand ­malhonnête. L'exposition révèle donc comment des générations de curateurs se sont tout simplement trompées. C'est d'ailleurs ce qui a coûté cher au directeur de la National Gallery en 1845. Après des doutes sur une œuvre qu'il a attribuée à Hans Holbein, Sir Charles Lock Eastlake a dû démissionner. Les techniques modernes ont d'ailleurs révélé que le bois sur lequel a été peint le tableau date d'après la mort du peintre allemand.

«Un mérite artistique considérable»

Pour l'actuel directeur de la National Gallery Nicholas Penny, «l'inventaire des erreurs de ce genre encourage à une extrême prudence et une grande humilité, mais il serait très naïf de croire que nous devrions nous débarrasser de ces œuvres ou en avoir honte. D'ailleurs, des œuvres réalisées par des copistes se sont parfois avérées très bien faites et très excitantes. Elles ont un mérite artistique considérable».

Interrogé s'il achèterait volon­tairement des faux pour le compte du musée, Nicholas­­ ­Penny ne l'exclut pas. «La ­National Gallery est un endroit où nous exposons des toiles de maîtres et où nous étudions l'histoire de l'art dans toute sa complexité.» Il faudrait alors que les faux soient particulièrement intéressants.

Plus rarement, il s'est avéré qu'une œuvre considérée comme une contrefaçon soit en réalité une toile de maître. Ce fut le cas de La Madone aux œillets, que la National Gallery a authentifié en 1992 comme un vrai Raphaël. Pour la plus grande chance de son propriétaire, le duc de ­Northumberland, qui l'a vendu au musée pour plus de 25 millions d'euros.

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