Cultura: Napoléon et la Corse, une histoire passionnelle
Béatrice de Rochebouët, envoyée spéciale en Corse.
Exposition - À travers de nombreuses archives, peintures et sculptures, le Musée de Corte apporte un regard nouveau sur la relation complexe entre Napoléon et son île natale.
Que serait devenu Napoléon sans la Corse ou, inversement, que serait aujourd'hui la Corse sans Napoléon ? Une importante exposition à Corte, citadelle perchée dans la montagne au cœur de l'île, tente de répondre à cette double question qui prête encore à polémique. Ce sont autant de passions que de rejets qui divisèrent les bonapartistes, des anti-bonapartistes comme Pozzo di Borgo, irréductible adversaire peint par François Gérard sur une toile prêtée par Versailles.
D'un côté, il y a les Corses inconditionnels de l'Empereur, nombreux à penser que «tout dans cet homme était démesuré et splendide» selon les mots de Victor Hugo. Jamais l'enfant d'Ajaccio, qui multiplia les projets urbains pour sa ville au détriment de Bastia, n'oublia son île. De l'autre, il y a les Corses hostiles à Napoléon, passant sous silence l'œuvre immense accomplie par un homme n'exerçant le pouvoir que quinze ans pour ne retenir que son caractère guerrier et son extrême sévérité à l'égard du soulèvement de ses compatriotes insulaires, tel le général Morand dans les révoltes de Fiumorbu.
«Entre ces deux extrêmes, il y a la place pour une fierté empreinte de lucidité», souligne Ange Santini, président du conseil exécutif de Corse, en prélude d'un volumineux catalogue qui offre un regard nouveau sur le rôle joué par la Corse dans l'ascension fulgurante du futur empereur. On a tant écrit sur Napoléon. «Et pourtant, personne n'avait encore songé à étudier les rapports complexes qu'il avait eus durant toute sa vie avec son île natale», observent les deux commissaires de l'exposition, Bernard Chevalier, ex-conservateur de la Malmaison, assisté de Jean-Pierre Commun-Orsatti.
«Un berceau trop étroit»
D'une famille de petite noblesse, Napoléon est né à Ajaccio en 1769, à une période cruciale de l'histoire de l'île, quand celle-ci cesse d'être génoise pour devenir française. Il est depuis sa prime enfance influencé par l'engagement politique de son père, Charles, qui épousa le combat pour l'indépendance de la Corse de Pascal Paoli, autre héros insulaire déjà célébré par le Musée de Corte. Malgré le choix pour la France du jeune Bonaparte sorti de l'école de Brienne, cette Corse, si profondément latine, si intimement liée à Gênes, va forger son destin. «Napoléon Bonaparte n'est devenu Napoléon que parce qu'il était corse et non en dépit du fait qu'il soit corse», tente de démontrer cette ambitieuse exposition, sous la houlette de Jean-Marc Olivesi, directeur du patrimoine et conservateur en chef du Musée de la Corse. Revisiter l'histoire - trop souvent imposée et admise - de la relation de Napoléon à la Corse et à la France, c'est-à-dire de l'île au continent, suscite la polémique.
Chateaubriand fut le premier à ouvrir le débat : «Nourri au milieu de la Corse, Bonaparte fut élevé à cette école primaire des Révolutions ; il ne nous apporta pas à son début le calme ou les passions du jeune âge, mais un esprit déjà empreint des passions politiques. Ceci change l'idée qu'on s'est formée de Napoléon… Il ne parla pas de son île quand il fut heureux ; il avait m ême de l'antipathie pour elle ; elle lui rappelait un berceau trop étroit. Mais à Sainte-Hélène sa patrie lui revint en mémoire».
L'historiographie s'est enrichie ces dernières années des travaux de Luigi Mascilli Migliorini qui propose une analyse percutante sur la «corsitude» de Napoléon. Ou de ceux d'Antoine Casanova qui a réfléchi au rôle de la Corse dans l'élaboration de l'identité du jeune Bonaparte : «Au cours des années 1780, l'expérience des crises et des luttes sociales et politiques va transformer les référents personnels de Napoléon et finalement leur donner des significations de portée nationale et universelle». Au fil de l'exposition, on se laisse convaincre. Napoléon ne fait qu'un avec la Corse. Même s'il l'a quittée à l'âge de 9 ans pour n'y revenir que de temps en temps jusqu'en 1799…
Exposition jusqu'au 30 décembre 2009,à la citadelle de Corte.
Renseignements :
Tél. : 04 95 45 25 45
info@musee-corse.com
Site : Napoléon et la Corse
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