Música: L'histoire et le futur du jazz avec le Wayne Shorter Quartet

Châlons-en-Champagne (Marne), envoyé spécial
Une minute. Pour dire bonsoir. Pas d'entretien. L'agent français de Wayne Shorter a transmis les souhaits du saxophoniste américain. Le 28 avril, Shorter et ses trois musiciens, Danilo Perez (piano), John Patitucci (contrebasse) et Brian Blade (batterie) jouaient à Bâle. Ce mardi 29 avril, ils sont à Châlons-en-Champagne. Pause à Paris, le lendemain, avant de remonter sur Coutances, le 1er mai. Concert à 15 heures. Perez s'étonne : "Inhabituel, mais on le fera. Et ce sera intense, comme ce soir." Dans les loges de La Comète, la scène nationale de Châlons-en-Champagne, les quatre musiciens sont épuisés mais rigolards.

Quatre garnements qui ont joué d'une traite, durant près d'une heure et demie, sans autre préméditation que celle de huit ans de jeu ensemble. Shorter, appuyé sur le piano, laisse filer trois notes, les autres s'en emparent. Blade claque un contretemps sur la caisse claire et ça part vers autre chose. Quelques secondes ici, plusieurs minutes là. La basse à l'archet, le piano qui s'emballe. Partout, le coulé de Shorter au saxophone. Au ténor c'est une caresse, au soprano un cri.

Wayne Shorter, toutes les musiques ou presque, celles du jazz, de son histoire et son futur, celles de l'Orient, de l'Afrique... En 1959, le batteur Art Blakey fait du jeune homme, né le 25 août 1933, à Newark (New Jersey), l'un de ses "messagers du jazz". Miles Davis le lui pique en 1964 pour compléter son quintette avec Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams (dans les 17 ans à ce moment-là). La planète jazz vit sous leur domination jusqu'en 1968.

"ECRIS UN ROMAN À LA PLACE"

Lors du passage à l'électricité du trompettiste, Shorter reste un temps, puis en 1971, il fonde Weather Report avec Joe Zawinul (1932-2007). Succès universel, disques en pagaille, tournées itou, jusqu'en 1985. En parallèle, il y a la fréquentation de la pop sérieuse (Joni Mitchell, Steely Dan). Puis un truc bancal (1988-1989) avec Carlos Santana, un peu de flou dans les années 1990, jusqu'à ce quartette absolu, créé en 2000.

Un rappel, pour faire plaisir, 3 minutes. L'important c'est surtout ce qui s'est joué avant. Bribes de thèmes - vingt, trente ? - entremêlements de valse, air des Caraïbes, menuet, blues, pièce proche du sérialisme, virée postbop... A la fin, une petite échappée jazz-rock avec citation d'un thème écrit pour Miles Davis, une phrase de Birdland, le tube de Weather Report. Pas le temps de reconnaître, on est déjà au-delà. La musique comme elle doit venir, sans facilités qui vous mettent un public dans la poche. Celui de La Comète n'a pas besoin de ça. En trois saisons, son directeur Philippe Bachman lui a donné Carla Bley, Jim Hall, McCoy Tyner, Lee Konitz... Cela forme l'oreille, la curiosité.

Loges. Shorter a un sourire rêveur. "Tu vas écrire sur ce soir. Laisse tomber. Ecris un roman à la place. Sois créatif. Il y a trop de choses inutiles, laides. Il faut plus de belles choses pour faire rêver, pour l'imagination." On risque un éléphantesque : "C'est l'imagination des artistes qui peut nous rendre créatifs." Shorter se marre. Perez, Patitucci et Blade aussi. "Pas mal, j'aime bien... Laisse tomber quand même."

Wayne Shorter, à La Comète, Châlons-en-Champagne, mardi 29 avril.
Diffusion sur France musique, le 12 mai, à 20 heures.
Au festival Jazz sous les pommiers, à Coutances, jeudi 1er mai, à 15 heures.

Sylvain Siclier

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