Arte: Une exposition d'oeuvres invisibles
Une exposition ? Plutôt un appartement avec salle à manger, salon, chambre à coucher. Avec photos et tableaux au mur. John Armleder, a-t-on dit ? On ne décèle quasiment aucune trace de son oeuvre, si ce n'est une peinture à paillettes.
En fait, Armleder a confié à Jacques Garcia, décorateur français célébré pour ses mises en scène de l'hôtel Costes ou du restaurant Fouquet's, à Paris, l'élaboration de ce projet. Armleder lui a demandé de réaliser un intérieur pour un client fictif, selon son bon vouloir.
On pénètre dans ce Centre culturel avec la sensation de violer un espace privé, et déconcerté par les canons esthétiques ici à l'honneur.
Un plafond de pagode cache l'habituelle verrière, d'où surgit un singe sculpté dans le bois ; un lustre à mille plumettes surplombe une longue table de cérémonie. Photographies de Helmut Newton ou de Nobuyoshi Araki, têtes antiques, élégantes chaises chinoises, moquette marbrée de marron : l'atmosphère est lourdement cosy.
Au-delà du décor, cette exposition soulève la question de l'auteur, qu'Armleder met à mal depuis les années 1970 en plagiant la patte des maîtres de la modernité, et en passant d'un style à l'autre.
Qui signe l'exposition ? Armleder ou Garcia ? "La capacité à être versatile, c'est sans doute notre point commun, à Jacques et à moi, répond Armleder. La question de l'auteur doit devenir superflue. Si on doit à tout prix répondre, disons que je considère l'exposition comme une oeuvre de moi, mais dont la substance est produite par Garcia. Mon oeuvre est la simple convocation de cet événement." Une provocation ? "Chaque geste est une provocation, poursuit l'élégant Suisse. Bouger, c'est provoquer ; vivre, c'est provoquer : ce n'est pas pour cela que cela devient une prise de position. Les gens qui verront ce projet comme une provocation sont ceux qui ont un débat avec leurs propres acquis culturels et qui n'arrivent pas à loger ça dans leur échiquier."
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