Arte: Le Prado invite Rembrandt, peu présent dans ses collections

MADRID CORRESPONDANT

Rembrandt (1606-1669) est un peintre rare en Espagne. Le Musée du Prado ne possède qu'une toile du maître flamand, Artemisia (1634), et la Bibliothèque nationale quelques estampes. On évoque généralement des "raisons historiques" pour expliquer l'absence du peintre baroque dans les collections espagnoles. Le fait par exemple que Rembrandt Van Rijn n'ait guère quitté sa ville natale de Leyde que pour se rendre à Amsterdam, où il mourut. Ou bien qu'il n'ait pas travaillé dans le réseau des grandes cours européennes de la Renaissance.

L'artiste n'est pas resté imperméable à son époque, ni aux influences picturales de ses contemporains. Des cousinages apparaissent en filigrane dans l'exposition que lui consacre, jusqu'au 6 janvier, le Prado. Le célèbre musée de Madrid a invité cinq de ses hôtes permanents - Ribera, Vélasquez, Véronèse, Le Titien et deux toiles de Rubens - à se joindre aux trente-cinq huiles et cinq gravures de Rembrandt prêtées par une vingtaine de musées et de collections européens et américains. "Nous avons inclus ces six tableaux non pas pour comparer ou mettre en concurrence ces artistes, mais pour éclairer et mieux comprendre Rembrandt", explique Alejandro Vergara, responsable de la peinture flamande au musée madrilène et de l'exposition.

Pour la même raison, le choix des oeuvres privilégie le peintre narrateur au portraitiste ou au paysagiste. La plupart des tableaux sont inspirés de thèmes bibliques ou mythologiques. En montrant "Rembrandt, peintre des histoires", la monographie proposée à Madrid permet de parcourir chronologiquement sa carrière et d'en mesurer l'évolution, depuis les premiers tableaux, fougueux et violents, jusqu'aux oeuvres tardives, où l'on trouve plus de gravité et d'introspection. "C'est approximativement à partir de 1645 et son arrivée à Amsterdam qu'on observe un changement dans sa manière de regarder le monde et de comprendre la vie", estime M. Vergara.

CLAIR-OBSCUR CARAVAGESQUE

Deux tableaux illustrent ce passage : La Sainte Famille avec des anges (1645), prêtée par l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, semble avoir été l'oeuvre d'un autre artiste que La Sainte Famille peinte en 1635 (Pinacothèque de Munich). Cette dernière s'apparente davantage à La Sainte Famille, de Rubens (1626), accrochée à quelques pas. Le jeune Rembrandt ne voulait-il pas être Rubens ? Ses oeuvres de jeunesse sont empreintes de l'admiration qu'il voue à son aîné, à l'instar de cet autoportrait en costume oriental, inspiré d'un des rois de L'Adoration des mages, de Rubens, qui ouvre l'exposition.

Les influences plus ou moins directes qui nourriront l'oeuvre du maître baroque affleurent dans la succession des toiles et des dessins rassemblés dans l'aile moderne du Prado : les compositions italiennes apprises de son maître Pieter Lastman, les jeux de clair-obscur caravagesques qu'il partage avec José de Ribera, etc.

La monographie se termine dans un surprenant éclat de rire. Deux ans avant sa mort, Rembrandt a réalisé Autoportrait en Zeuxis, un peintre de l'Antiquité considéré comme le créateur de la beauté idéale. La légende veut qu'il mourût de rire en peignant une femme vieille et laide. De quoi et de qui s'amuse Rembrandt, pressentant la fin de sa vie et de son oeuvre, dans ce tableau d'une facture curieusement "goyesque" ?



"Rembrandt, peintre des histoires". Musée du Prado, Madrid (Espagne). Entrée par la porte de los Jeronimos. Tél. : 00-34-91-330-28-00. Du mardi au dimanche, de 9 heures à 20 heures. 3 € et 6 €. Jusqu'au 6 janvier 2009. Sur Internet : www.museodelprado.es.


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