Música: Qu'Elliott renaisse!

Chaque semaine, un nouveau groupe, de New York à Paris, réhabilite l'écriture du regretté Elliott Smith, mort mais pas oublié. Il est donc temps qu'il renaisse pour de bon.
Par
Christophe Conte
La bonne maison Fargo sort bientôt le premier album d'un joli groupe, Roman Candle, qui revendique ainsi jusque dans son nom l'influence d'Elliott Smith (c'était le titre d'un de ses albums). Ces derniers mois, peut-être encore plus fréquemment qu'autrefois, le souvenir toujours ému du songwriter de Portland tournoie au-dessus des conversations, s'immisce dans les interviews, monopolise l'obsession de centaines d'artistes à travers le monde qui ne se sont remis ni de son passage sur Terre ni de sa disparition.

Cette adoration – n'employons pas le mot culte, tellement dévalué depuis qu'il sert aussi bien à qualifier les répliques des Ch'tis qu'un enregistrement de Steve Reich – n'a rien d'une contemplation stérile. Elle n'est pas non plus circonscrite à l'intérieur de la famille du folk américain. Elle irrigue un peu partout l'inspiration de musiciens dont elle est devenue l'oxygène, la vitamine, le moteur discret des plus belles palpitations. De Chris Garneau (qui a repris
Between the Bars) à Alexi Murdoch, de Seabear à Coconut Records, de Denison Witmer à Musée Mécanique, ils ont tous en eux quelque chose d'Elliott Smith. Et en France, derrière Cocoon, Revolver, The Delano Orchestra ou le récent très bel album de Julien Pras, combien sont-ils à se presser sur le seul site CQFD pour clamer à travers une composition, un arrangement de choeurs ou de cordes, quelques mots bleus ou des intentions encore vertes, leur amour éperdu pour l'auteur de XO?

En octobre, cela fera sept ans qu'Elliott Smith se sera donné la mort avec une violence proportionnelle à l'infinie délicatesse de son art. Sept ans, si l'on en croit les journaux féminins, c'est le temps que dure généralement la passion amoureuse. Ici, c'est à l'inverse celui qu'il aura fallu pour que l'on mesure à quel point Smith a bouleversé de façon irréversible une génération entière, et probablement les suivantes, à l'image d'un Nick Drake.

Alors voilà, disons-le franchement, ça suffit. Il n'est pas tolérable qu'Elliott Smith soit mort plus longtemps. Il apparaît comme insurmontable de ne plus entendre de nouvelles chansons de celui qui n'en a pas laissé assez pour remplir le vide qu'aura provoqué son absence. Il faut que réapparaisse sur scène sa silhouette massive et pourtant gracile, sa voix que même les plus doués de ses disciples ne parviennent à imiter que grossièrement. Dieu, bordel de merde, il faut faire quelque chose. Faut nous renvoyer ce garçon dans les plus brefs délais.On a un vieux twister de Saint-Tropez avec une hanche en plastique qui ne sert plus à grand-chose. On te l'échange.

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